jeudi 30 avril 2020

Cinq jours de classe virtuelle (épisode 4)


         Le directeur m’envoie les tables d’addition sous forme de « maisons des nombres », des progressions en calcul mental et des séries de problèmes niveau CP et CE1. Le premier jour du stage, nous proposerons des problèmes additifs.

Il m’explique que sur la plateforme du CNED, on peut insérer des documents de travail que les élèves pourront visualiser au fur et à mesure de la séance.

         Je lui transmets les pages 36 et 37 du manuel « Bulle » dont j’ai fait une copie d’écran, la fiche du [d] de Zaubette (entraînement à la lecture de syllabes, de mots, de phrases, d’un texte), celle d’Elaurys et la comptine du son [d] d’Ipôtame.

J’ouvre ma « classe à la maison » avec des codes de connexion valables un mois : un pour moi en tant qu’administratrice, un autre pour les participants. Prise en main de la plateforme et de ses possibilités, téléchargement des documents dont je me servirai le premier jour.

Je tape une fiche de préparation détaillée que j’imprime pour l’avoir à portée de main lorsque je serai devant l’ordinateur et donc devant « mes » élèves, je choisis un album à leur lire pendant le dernier quart d’heure, je contacte chaque famille concernée par un mail personnalisé en indiquant le prénom de l’enfant, les horaires, le déroulement, les modalités.

Les CP devront avoir préparé leur livre « Bulle », tout le monde aura une ardoise, un feutre ou une craie, un cahier de brouillon et de quoi écrire.

Nous avons six heures de cours à répartir entre le lundi 13 et le vendredi 17 avril. Nous décidons de faire travailler les élèves environ une heure et quart sur les cinq jours. Ni trop tôt ni trop tard dans la matinée, commencer à dix heures nous semble un bon compromis.

Après chaque séance, vers onze heures et demie, nous nous appellerons pour un « débriefing » puis nous nous mettrons d’accord sur le programme du lendemain matin.

mercredi 29 avril 2020

Cinq jours de classe virtuelle (épisode 3)



Par quoi commencer ?

Tout d’abord, passer par le portail Éduscol et repérer les objectifs de ces « vacances apprenantes » proposées par notre ministre de l’Éducation nationale. Pour les élèves de cycle 2, il s’agit de « reprendre les bases des savoirs fondamentaux, travailler la fluence et la compréhension en lecture, l’écriture, le calcul (mental et posé) et la résolution de problèmes ».

Ensuite, explorer le site du CNED qui porte bien son nom en ces temps de confinement (Centre National d’Enseignement à Distance), créer un compte, étudier les programmes de révisions proposés aux CP et aux CE1.

Les élèves de CP de mon école de rattachement apprennent à lire avec la méthode « Bulle ». Je cherche, je trouve et je feuillette le manuel de l’élève en version numérique puis je prends connaissance des progressions de la Classe de Kmi, des fiches de sons de Zaubette (si si) et d’Elaurys (pour les CP), des comptines des sons d’Ipotâme (pour les CE1).

Nous faisons le point, le directeur et moi, sur nos investigations respectives, et décidons de consacrer la première séance à la révision du [d]. Je me propose de préparer les documents nécessaires en français et de lui envoyer, le directeur quant à lui me transmettra le fruit de ses recherches pour le programme de mathématiques.

mardi 28 avril 2020

Cinq jours de classe virtuelle (épisode 2)



         Vendredi 13 mars après la classe, soit trois semaines écoulées depuis la rentrée des vacances d’hiver, tout l’monde aux abris ! On oublie le stage de réussite, on s’organise pour travailler à la maison, on fait une croix sur les prochaines vacances, c’est déjà un peu les vacances…

         Plus tard, le directeur de mon école de rattachement m’informe de la possibilité d’encadrer un stage de soutien scolaire à distance, qui aura lieu la deuxième semaine des vacances de printemps et concernera un petit groupe d’élèves. Je réponds présente, j’aime relever des défis, pourquoi pas celui-ci ?

         Les vraies vacances commencent : grasses mat’, café, ordi, téléphone, lecture, marche et course à pied, VTT, musique, dance floor, apéro, soleil à gogo… Cela ne dure que d’un temps, mon directeur me rappelant à l’ordre dès le jeudi 9 avril au matin pour m’annoncer qu’il a le feu vert de l’inspecteur pour le dispositif des « vacances apprenantes ». Je regrette un instant de m’être proposée.

Cinq collègues volontaires en tout sur l’école, les niveaux CE2, CM1 et CM2 sont déjà attribués, il reste à répartir dix CP et quatre CE1, ce que nous faisons le directeur et moi. Nous travaillerons donc chacun avec sept élèves, cinq CP et deux CE1, toutes classes confondues.

lundi 27 avril 2020

Cinq jours de classe virtuelle (épisode 1)



Dès la rentrée des vacances d’hiver, j’ai posé ma candidature pour encadrer un stage permettant à des élèves de CM2 de bénéficier d’une « remise à niveau » avant leur passage en 6e.

Ces stages, dits « de réussite », sont programmés la première semaine des vacances de printemps et permettent de travailler avec un groupe d‘élèves restreint, six en moyenne.

Les cours ont lieu tous les matins, pendant trois heures, du lundi au vendredi. Ils consistent principalement à faire des révisions en français et en mathématiques, personnalisées selon les besoins.

Depuis 2015, j’aime effectuer ces heures supplémentaires (grassement payées) car cela me permet de faire la classe autrement, d’enseigner dans des conditions différentes et plus favorables aux apprentissages, de développer des relations empathiques, bienveillantes et privilégiées avec les élèves.

C’était sans compter sur le coronavirus, qui a eu vite fait de tout bazarder et de renvoyer  fissa tous les enfants (et leurs enseignants) chez eux.

dimanche 26 avril 2020

London Calling


Printemps 1980
J’ai seize ans et je découvre les soirées du Tigre. J'apprends le nom de tous ces groupes anglais sur lesquels on danse en balançant les bras et les jambes, d'avant en arrière, de façon saccadée. Madness, The Selecter, The Specials, Elvis Costello, Moon Martin… The Clash et son hymne énergique : « London Calling ».

La face B du 45 tours, « Armagideon Time », passe souvent sur le juke-box du Pub où je me rends après le lycée. Je l’achète pour pouvoir l'écouter tout à loisir chez moi. Puis je découvre avec délectation le double album « London Calling » chez des copains.

La pochette est extraordinairement attractive pour l'œil avec ses lettres capitales en rose et vert et sa photo de concert en noir et blanc. La musique est festive, joyeuse, dansante. On me fait écouter les albums précédents, mais je n'aime pas autant.

Été 1980
Je pars en Angleterre avec des copines, la cassette de « London Calling » et un petit magnétophone à piles dans mes bagages. À Londres, j'achète « I'm the Man » de Joe Jackson, l'album de Lene Lovitch pour le titre « Bird Song » et un 45 tours des Clash : « Bankrobber ».

Je m'habille en noir, rouge et blanc. Je porte aussi le vieil imperméable gris de mon père, dont j'ai raccourci les manches. J'ai coupé mes cheveux et je les hérisse avec du gel.

Décembre 2002
J'apprends la mort de Joe Strummer. J'aimais qui il était, ce qu'il faisait avec son groupe The Mescaleros. J'avais raté leur concert parisien, dommage. Cinquante ans. En 1980, cela m'aurait paru vieux. Maintenant, je trouve que pour mourir, c'est bien trop jeune.

Décembre 2003
Sur une impulsion, je pars en quête de l'album orange vif « Streetcore » dans les rayons de l'Espace Culturel de chez Leclerc. Dans ma voiture, titre après titre, des frissons me parcourent.

Il y a l'émotion d'un disque posthume, mais tellement plus aussi, dans cette voix rocailleuse, généreuse, revendicatrice. Tous ces petits joyaux musicaux acoustiques ou électriques viennent égayer la grisaille ambiante.

Du coup, chez moi, je réécoute « London Calling ». Pas loin de vingt-cinq ans après, la musique des Clash me paraît toujours aussi inventive et jubilatoire. Je fais le lien. Entre les années. Pour me réconcilier avec le temps qui passe et qui efface des vies.

samedi 25 avril 2020

Il s'en passe de belles sur la RTS

« Découvrez le spectacle événement de ce début d’année : Coronavirus, la comédie musicale. Après une tournée triomphale en Chine, Coronavirus débarque enfin près de chez vous. »

Non mais tu le crois, ça ?




« Chers confinés, chers confined, merci de respecter la distance de sécurité entre vous-mêmes et nos employé-e-s, sinon dégagez ! »

Les caissières helvètes font de la résistance…

vendredi 24 avril 2020

Baisse de régime

Hier jeudi 23 avril, j’ai commencé la journée en me rendormant après que mon téléphone eut sonné à sept heures et demie, n’émergeant finalement qu’à neuf heures moins le quart. Ronchonne, barbouillée, tête en vrac, fatiguée.

Dehors, comme tous les jours, ciel bleu, soleil radieux, végétation verdoyante, pépiement des oiseaux : signes faussement joyeux, sensation de vivre dans une prison dorée. De toute façon il fait trop chaud pour la saison.

Je suis restée au lit jusqu’à midi et demi à pianoter sur l’ordi, avec deux chats comme compagnie lascive.

Relever mes mails perso, mes mails pro, passer en revue tous les albums de ma bibliothèque musicale numérique, réfléchir aux titres à inclure dans ma 3e playlist « spécial confinement », visionner sans me lasser la vidéo des Sex Pistols « Holidays In The Sun », écouter la quatrième lecture d’Anne Cardona consacrée à une poésie fantaisiste de René de Olbadia « Chez moi », boire à l’envi du café réchauffé au micro-ondes, corps engourdi, pensées meurtries, idées à la dérive.

Un bon steak haché à cheval avec frites, ketchup et Breizh Cola, déjà ça allait mieux.

Appel sur mon portable : le directeur de mon école de rattachement me demande d’assurer le suivi de sept élèves du CM1/CM2 et du CM2 de mon école de rattachement. Depuis lundi 20 avril, jour officiel de la rentrée des classes, ils ne se sont pas manifestés auprès de leur enseignant-e, ils ne rendent aucun travail. Mon rôle est de leur téléphoner pour savoir ce qui se passe, tenter de remettre les brebis égarées dans le droit chemin.

Ce ne sera pas pour ce jeudi, je ne suis pas du tout dans l’esprit d’appeler des familles dont la plupart préparent le début du Ramadan, je ne me sens pas l’âme d’une warrior.

Par contre, je me suis concocté un programme détaillé pour aujourd’hui vendredi 24 avril :

-Sept heures trente, réveil, lever à la première sonnerie
-Café du jour + pain au chocolat
-Faire mon lit (virer Grigri)
-Marche sportive et course à pied soft à la fraîche (une heure)
-Douche
-Habillement (vêtements colorés)

Mise au travail :
-Préparation d’un questionnaire et d’un éventail d’argumentaires pour expliquer la nécessité de continuer à suivre l’enseignement proposé par le maître/la maîtresse à l’attention des familles que je vais contacter.

-Téléphoner aux familles en sachant que je risque de tomber sur un répondeur et d’être obligée de laisser un message si possible convaincant, négocier un plan de travail avec les élèves concernés, en tout cas mettre en place quelque chose permettant leur maintien dans le système scolaire sous une forme ou une autre, envisager des solutions alternatives, une classe virtuelle, des cours particuliers, des envois via la Poste…

-Réunion Zoom avec le directeur et les collègues de l’école à seize heures, compte-rendu de mes investigations, écoute, échanges…

Ensuite, début du week-end, concert à File 7, replay des « Lettres d’intérieur » d’Augustin Trapenart sur France Inter juste avant neuf heures ; si vous ne deviez n’en écouter qu’une (deux minutes) ce serait celle-là : le poème « À tous lesconfinés, fruits confis » de Brigitte Fontaine.

Danse 80’s, promenade avec les chats dans la résidence, conversations à distance réglementaire avec les voisins et les voisines, applaudir à vingt heures, lecture, mots croisés, dodo, clap de fin.

J’ai tout fait comme prévu depuis mon réveil, maintenant j’attaque le plus gros du programme : la mise au travail.

jeudi 23 avril 2020

Holidays In The Sun

Alors voilà, Christophe est mort, le coronavirus a eu raison de lui, quelle tuile ! Il semblait invincible, indestructible, presque immortel. Le musicien camerounais Manu Dibango a été emporté lui aussi. Je l’avais vu en concert il y a deux ans, un grand moment !

Le romancier chilien Luis Sepulveda vivait en Espagne et il y est décédé ; comme on sait, là-bas, c’est le désastre… J'aime lire des extraits d’ "Histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler" aux élèves lorsqu'ils sont sages là.

Annulation des festivals de mai, juin et début juillet, Avignon c’est mort, les annonces se succèdent, sentence, verdict, couperet, rendez-vous en 2021 (si tout va bien, s’il y a encore assez de monde en vie pour venir aux spectacles).

Bref, ça fait des dégâts.

Holidays In The Sun, pour les novices, c’est un titre (1977) des sulfureux sujets britanniques Sex PistolsLa vidéo ne manque pas de piquant avec ses scènes de concert épiques et ses vues de Berlin bien avant la chute du Mur.

mercredi 22 avril 2020

Voyage autour de ma chambre

Un extrait du livre de Xavier de Maistre (1794) lu magistralement par Anne Cardona sur sa chaîne « l’Enlivreuse »

Trois lectures sont déjà disponibles ; la quatrième est pour ce soir, à 19 heures. 

Enlivrez-vous !

mardi 21 avril 2020

dimanche 19 avril 2020

Contrebandière



Bruits secs et sourds, crépitements. Sons élastiques, rebondissants. Les coups redoublent, montent en puissance. Violence immense, colère lâchée, vieilles souffrances.

Clappements, clapotis, clapotements. Pluie rageuse, lourdes gouttes tombant en rangs serrés, senteurs de terre. Longues minutes tambourinées : des trombes, des seaux, des cordes !

Voilà que ça se calme, ça va decrescendo, puis ça s’arrête. Les arbres se secouent, la terre étanche sa soif. Absorption, écoulements, glissements, goutte-à-goutte.

Allongée sur le dos, les yeux fermés, je me rassemble, reprends conscience. J’ouvre les yeux : dôme d’une grotte aux parois arrondies. Ventre maternel, placentaire, matriciel. Béatitude, douce euphorie.

Il fait bon, sous la tente. Je m'y sens bien. Étanche et rassurante, chaleur diffuse dans le duvet. Son souffle régulier se mêle au mien. Ancré dans le sommeil, il m’enlace. Il m’appartient, je suis à lui.

Depuis la nuit des temps je l’aime. Sentiment étrange, ancestral, primitif. Rester comme ça entre deux eaux, laisser divaguer mes pensées, sa main bien chaude sur ma peau nue.

Il bouge, il gémit, se retourne. Sa main me quitte, il se replie, se met en boule. Je change de position, me lovant contre lui. Poitrine collée à son dos, je l’entoure de mes bras.

Je laisse aller ma tête contre la sienne. Je le respire tout entier, je l’appréhende dans ses moindres détails. J’écoute son corps vibrer. Affinités, intimité, sérénité.

Chaque journée commencée en sa compagnie me remplit d’aise. Je suis fière, nous sommes ensemble. C’est l’été, les vacances, pas de contraintes, itinérance…

Là, maintenant : je prends, je glane, je passe en fraude, je louvoie, je maraude.

Langueur, lascivité, paresse. Lueurs de l’aube, jour nouveau, seuls au monde.

Il s’étire, se détend. Il se tourne vers moi, ouvre les yeux, les referme. Il les rouvre, me sourit, approche ses lèvres des miennes, il m’embrasse. Illumination, foudroiement, éclairs.

Un flot de désir me submerge et m’entraîne loin du large, vers des terres inconnues, en friches.

Temps houleux, vent violent, je perds pied, je suffoque.

Je me laisse assaillir, envahir, engloutir, posséder.

Plus rien d’autre ne compte.

samedi 18 avril 2020

Les vacances au bord de la mer

1975 : j’avais 12 ans, Michel Jonasz était jeune, mince, déjà talentueux et irrésistiblement boudeur.

Une chanson magnifique mais en playback qui tue ; il faut dire que c’était la norme dans les émissions télévisées de cette époque-là.


vendredi 17 avril 2020

Qu'est-ce que tu vends pour les vacances

Alors ça : chef d’œuvre ! 
Cette parodie filmée dans le quartier du Sentier à Paris est l’œuvre des fameux David et Ben Soussan. 
Nous reconnaîtrons aisément, dans leur rôle de pitre : Alain Chabat et Dominique Faruggia de Les Nuls. C’était en 1988. 



Cliquer sur le lien pour voir cette vidéo.

jeudi 16 avril 2020

Vacances j'oublie tout

Par le groupe Élégance, pop funk 80’s à souhait, flow en français et clip caractéristique de ce que furent ces années : bien folles, quand j’y repense.


mercredi 15 avril 2020

Vacances à l'hôpital

« Mes mauvaises fréquentations » de Philippe Katerine est un coffret regroupant quatre mini CD. Sorti en 1996, il contient seize chansons rétro finement écrites, aux charmes délicieusement sixties.

Écoutons donc « Vacances à l’hôpital » pour relativiser et garder le moral.

mardi 14 avril 2020

Vacances prolongées

Qui n’a jamais écouté cet album des VRP paru en 1992 ?

C’est le moment de s’y (re)mettre avec « La Picardie » qui, sur un ton enjoué, nous laisse entrevoir à quoi pourraient ressembler nos prochaines vacances d’été.


dimanche 12 avril 2020

Une halte à Angers


Le 21 juin 2035

Chers Camille, Sacha et les enfants,

Comment ça va pour vous ? Avez-vous enfin de quoi vous loger, vous nourrir convenablement ? Vos démarches avaient l’air de prendre une bonne tournure, ont-elles abouti comme vous le souhaitiez ? Les enfants peuvent-ils aller à l’école, commencer à apprendre la langue ? C’est important ! Et vous ? Vos diplômes vous donneront-ils la possibilité de travailler ?

Je profite de notre halte d’une semaine à Angers pour vous écrire. Nos amis Mylène et Cédric nous ont accueillis à bras ouverts. Comme ils ont la chance d’avoir encore leur maison, ils hébergent des personnes de passage, en transit, comme nous… La plupart vont à pied, un sac sur le dos et leurs valises à la main, d’autres poussent un caddie, d’autres traînent une carriole… Quelle misère ! Nous nous sentons bien privilégiés, Jacques et moi, avec notre cheval et notre roulotte ! Nous avons un toit, nous savons où dormir…

Mylène est une vieille amie, ça remonte à loin, aux meilleures heures de notre jeunesse ! Avec Cédric, ils ne se sont jamais quittés depuis cette époque. Ils couleraient des jours heureux s’il n’y avait pas tout ce bazar ! Nous, on a été contraints de fuir. L’air devenait irrespirable, on se mettait en danger nuit et jour, notre petit coin de campagne ne ressemblait plus à rien, ce n’était plus possible !

Alors on a fait comme tous les autres, on a plié bagage avec les moyens du bord. Heureusement, on avait gardé la roulotte, et ce sacré Léon… La vieille carne allait reprendre du service ! Et nous autres vieilles carnes, aussi ! Autant prendre ce qui nous arrive dans la bonne humeur ! À l’âge qu’on a tous les deux, on ne risque plus grand-chose. La mort se rapproche, de toute façon.

Nous comptons rejoindre l’Espagne, le Portugal, l’Andalousie, peut-être pousser jusqu’au Maroc. Jacques a repris des couleurs depuis que nous avons quitté l’enfer du Grand Paris. Nous avons emmené nos chats et aussi un chien resté attaché à sa chaîne, que nous avons trouvé dans une cour de ferme déserte.
Nous voyons des choses abominables sur les routes, même si nous nous déplaçons surtout la nuit. Nous rencontrons plein de vieux comme nous, mais bien plus démunis, fragiles, maigres, malades, épuisés, désespérés… Nous ne nous arrêtons pas. Nous ne pouvons pas les aider ! Excusez-moi d’être dure, mais la lutte pour la vie, c’est chacun pour soi.

Nous profitons avec Mylène des moments de préparation des repas pour bavarder, échanger les dernières nouvelles : ceux qui s’en sortent, ceux qui sont morts… Jacques aide Cédric à consolider la maison, à réparer le toit, à faire quelques travaux à l’intérieur. Ça nous fait du bien de vivre dans des murs, d’avoir un grand lit confortable où dormir, où reprendre des forces. La route sera longue, encore. Nous avons la chance de nous aimer, animés par le désir de continuer à vivre ensemble, coûte que coûte, quelles que soient les conditions.

Jacques se joint à moi pour vous embrasser tendrement toutes les deux et les trois petits. Nous vous souhaitons tout le courage dont vous avez besoin pour démarrer votre nouvelle vie dans ce pays qui a bien voulu vous accueillir. Soyez fortes !

Dès que les communications sont rétablies, on se parle sur le Phone. En attendant, le bon vieil Internet continue à fonctionner, même s’il est réduit à une vulgaire boîte de messagerie… Et chez Mylène et Cédric, le réseau passe encore. Quel progrès !

Donnez-nous vite de vos nouvelles, que nous sachions si vous avez bien reçu ce courriel.

On pense à vous, on vous aime !

Zohra et Jacques

samedi 11 avril 2020

Enfermée dehors !

          

           Hier soir à 19 heures tapantes, j’étais juchée sur mon vélo dont je venais de regonfler les pneus pour démarrer mon heure (quasi quotidienne) d’activité sportive réglementée-réglementaire.

 J’ai sillonné routes, rues et chemins dans et autour de mon village avec, je dois l’avouer, une sensation de liberté. L’air était chaud, délice des bras et des jambes nus caressés par le soleil encore haut, les senteurs du printemps, des familles en balade, des jeunes gens à vélo ou en planche à roulettes, des joggeurs et joggeuses, des chats sur le rebord d’une fenêtre, en haut d’un mur ou d’un toit, des chiens gentils ou plus méchants…

  Devant les grilles de l’Ehpad, c’était moins drôle : à l’intérieur de la cour, stationnaient une voiture du SMUR et l’autre des pompiers.

Dans l’immeuble situé en face de la boulangerie, les éclats de voix d’un homme en colère m’ont saisie et fait descendre de vélo. Alertés par les cris, les gens du coin étaient tous à leur fenêtre et assistaient au spectacle : un homme a soudain surgi d’une fenêtre, l’a enjambée et a sauté dans la rue ; c’était au rez-de-chaussée il vaut mieux préciser.

Il s’est mis à hurler des insanités avant d’aller tambouriner sur la porte d’entrée, de frapper avec force et violence (il en avait visiblement après quelqu’un) jusqu’à ce qu’un autre homme passe par la fenêtre et continue à se prendre la tête avec lui dehors.

Un chien genre pitbull a lui aussi franchi la fenêtre et s’est mis à aboyer sur son maître, le plus énervé, celui qui vociférait. Finalement, l’homme a tourné les talons et est parti avec son chien en lâchant : « Vous pouvez toujours fait venir les flics, je les en… » Vive le pétage de plombs en plein confinement.

Il paraîtrait qu’on va peut-être si les tendances se confirment atteindre prochainement un pallier dans l’évolution de la pandémie. Oui d’accord, mais tout ça sans masques et sans tests pour tous les Français-e-s ?

On va devoir résister avec les moyens du bord, hein, avec ce qu’on nous concède, comme par exemple une heure de liberté par jour pour se dépenser car on en a besoin si on veut tenir et garder le moral.

Maintenant, j’attends comme tout le monde l’allocution du Président lundi soir.

On se croirait un peu dans « Un jour sans fin » (avec Bill Murray) ou « The Truman Show » (avec Jim Carey), non ?

Merci à Sam et à Myriam de m’avoir inspirée.

vendredi 10 avril 2020

L'agent venu du froid d'Otto Matik


Une chanson électro-virale qui fleure bon les nineties par le fameux trio frenchie Otto Matik avec paroles en sous-titres et photos d’épok.

jeudi 9 avril 2020

Restriction des sorties


Je n’y croyais pas mais si, la Seine & Marne aussi limite les activités sportives de plein-air pendant la journée, à savoir qu’elles sont strictement interdites entre 10 heures et 19 heures.



Alors là, je fais quoi ? Ben j’attends 19 heures, parce que ce matin avant 10 heures, j’étais au lit à boire mon café tout en matant des vidéos de Laura Calu tournées dans son appart parisien. Les Suisses ne manquent pas d’humour non plus vis-à-vis du coronavirus, j’ai visionné des trucs marrants sur la RTS.



À part ça, tout baigne : on est début avril avec des températures dignes du mois de juillet, les odeurs de grillade se répandent partout joyeusement, mon village ressemble à un barbecue géant.

mercredi 8 avril 2020

Ne pas oublier d'applaudir à vingt heures

Mission accomplie, les courses sont faites et rangées, je pense avoir appliqué les gestes barrières du début à la fin de mon épopée. Le masque est très tendance : en papier, en tissu blanc ou coloré, canard, chirurgical, homologué FFP2 ou tout simplement fait maison… Je reste sceptique devant cette mascarade. The Carnival Is Over.

Comme le mercredi de la quinzaine précédente, peu de monde au supermarché entre midi et deux. Et il y avait des œufs de poule ! C’était sympa, les œufs de caille, mais fastidieux à décortiquer. Plus de Félix en boîte pour mes pôvres chats ; comme ils n’apprécient pas trop la marque générique, je leur ai pris du Whiskas en masse. Qu’ils n’aillent pas faire la fine bouche, ces fins museaux !

Cette journée d’été de printemps se termine aussi calmement qu’elle a commencé. Je n’irai pas faire de course à pied ce soir, je préfère boire une bière fraîche en écoutant du reggae.

En avril, ne te découvre pas d’un fil…

mardi 7 avril 2020

Good day sunshine


Mes promenades quotidiennes sont, depuis une semaine, agrémentées de (courtes) sessions de course à pied. J'ai besoin de me dépenser pour garder le sommeil et la sérénité.

Demain, le sport sera d'une autre nature, et pas dans la nature ! Objectif grandes courses afin d'acheter de quoi manger à mon aise, chocolat, sucreries, pâte à tartiner et tutti quanti, d'être tranquille les quinze jours à venir.

lundi 6 avril 2020

Dix jours de télétravail


Bilan du suivi des 6 élèves de CM1/CM2 de mon école de rattachement :

S. CM1         
Je n’arrive pas à savoir pourquoi S. ne se connecte pas à la classe virtuelle le matin à 9 heures 30. Je ne veux pas être trop intrusive, de peur de perdre le contact avec la famille. En fait, je pense qu’à cette heure-là, tout le monde dort encore. 

Lorsque je téléphone en début d’après-midi, les parents acceptent de me laisser parler à leur fils. C’est le plus jeune des enfants de la maison, j’ai compris qu’ils étaient 6 en tout.

Comme il était apparemment difficile pour S. de recevoir et de m’envoyer les exercices par l’adresse email du père, il m’a donné celle de son grand frère B. avec son autorisation.

Nous avons principalement travaillé en français (orthographe) car S. m’a dit qu’il travaillait les maths tout seul. Ce qui s’avère inexact car aujourd’hui, lorsque je lui ai demandé s’il avait fait les exercices de maths du maître, il m’a répondu « non ». 

Il rédige ses exercices sous Word, il me les envoie en pièce jointe, je fais les corrections et je lui renvoie avec un nouveau travail à faire.

Ce sont mes appels téléphoniques qui provoquent la mise au travail (tous les après-midi de classe).

Notions revues :
-le féminin des noms, leçon et 2 séries d’exercices
-le pluriel des adjectifs, leçon et exercices
-le à ou bien le a ?
-deux dictées de Gudule (trouver les 5 erreurs)
-programme de mathématiques des 30 et 31 mars, envoyé par son enseignant

B. CM1, passage anticipé en CM2    
B. a rejoint la classe virtuelle depuis qu’elle dispose d’un téléphone pour se connecter.

A. CM2
La maman d’A. vient d’accoucher, il y a donc eu un « moment de flottement » pendant la période où elle était à l’hôpital. A. se connecte à la classe virtuelle depuis que sa mère est rentrée au domicile familial avec le bébé.

S-M. CM2     
Il n’y a pas de possibilités d’imprimer les documents à la maison et la maman ne sait pas lire. S-M. utilise le téléphone portable maternel et participe régulièrement à la classe virtuelle.

M. CM2, orientation segpa    
La maman de M. m’a dit que tout allait bien : « Oui, oui, il travaille ». Aucun envoi des travaux effectués à son enseignant depuis le début du confinement. Pas de participation à la classe Zoom car « interdit d’écrans ». La maman m’a fait comprendre que je pouvais appeler au maximum une fois par semaine « pour faire le point comme il est demandé par le ministre. »

M-I. CM2           
Le maître n’a pas réussi à instaurer le contact avec la maman de M-I (elle serait en Afrique), ni avec l’élève. Pas d’envoi du travail ni connexion à la classe virtuelle. Mes messages téléphoniques sont restés sans réponse.

Envoi d’un message par email auquel il m’a été répondu : « Bonjour madame, ça fait deux fois qu’elle rate les cours sur Zoom à chaque fois qu’elle arrive dans la salle de réunion, le cours est fini. On ne comprend pas. »

J’ai reprécisé les horaires des CM2 (10 heures 40 à 12 heures) et le mardi 31 mars, au moment de la classe, j’ai envoyé un message avec le code d’accès en disant que c’était commencé. Silence radio depuis.

dimanche 5 avril 2020

Ce matin-là

Ce matin-là, quand je me suis réveillé, il faisait froid. Je n’avais pas fermé correctement la fenêtre de ma chambre en me couchant hier soir et elle était grande ouverte. Bien au chaud sous les draps, je ne m’en étais pas rendu compte, je m’étais endormi du sommeil du juste…

Pointant mon nez pour respirer l’air de la pièce, prendre la température en quelque sorte, me préparer à sortir du lit pour une nouvelle journée, j’ai ressenti ce froid sur mon visage, ce vent glacial qui venait du dehors.

Vite ! Je me suis levé, j’ai passé ma robe de chambre et enfilé mes chaussons en peau de mouton, je me suis dirigé vers la fenêtre, j’ai fermé d’un coup les deux battants, puis tourné la poignée à fond.

Pour retrouver un peu de chaleur, je suis allé poser mes mains au-dessus du radiateur mais il était éteint. Ceux du salon et de la cuisine aussi. Mince, ce n’était pas de chance ! J’étais pressé ce matin-là mais je ne pouvais quitter la maison sans aller faire un tour à la cave pour vérifier la chaudière, la remettre en marche si besoin…

Tant pis ! Je sacrifierai mon petit-déjeuner, je prendrai des gâteaux à grignoter en route, je ne voulais surtout pas rentrer le soir dans une maison gelée, après une journée de travail qui s’annonçait déjà bien remplie, puis des invités à accueillir pour le dîner.

En ouvrant la porte permettant d’accéder à la cave, j’ai été pris d’un doute avant de poser le premier pied pour descendre. Bien m’en a pris ! Il y avait un trou noir et béant à la place de ce moyen fort simple que j’avais emprunté pas plus tard que la veille, pour aller chercher quelques bouteilles de vin en prévision de la soirée.

Cette soirée avait-t-elle déjà eu lieu ? Ou bien serait-ce tout à l’heure, avec l’arrivée des premiers convives aux alentours de vingt heures ? Je ne savais plus, je me sentais confus, la tête m’a tourné, je me suis adossé au mur pour reprendre mes esprits. Je ne parvenais pas à me souvenir de quoi que ce soit !

Il y avait ce grand vide comme seul accès à la cave, il y avait ce silence sourd venant du bas, me confirmant que la chaudière s’était bien éteinte au cours de la nuit. Déconcerté, désappointé, je sentais bien que je n’étais plus maître de la situation. Quelque chose m’échappait.

Lorsque j’ai voulu aller au grenier chercher des vêtements chauds (j’avais aménagé une partie des combles en dressing), je me suis rendu compte que ce qui aurait dû se trouver là n’y était pas.

En fait, il n’y avait tout simplement… rien.

L’ouverture rectangulaire et la trappe, levée en permanence, prouvaient bel et bien l’existence du grenier, mais ayant levé mes pieds l’un après l’autre pour tenter de monter, je ne rencontrai aucun appui et je faillis tomber.