vendredi 24 avril 2020

Baisse de régime

Hier jeudi 23 avril, j’ai commencé la journée en me rendormant après que mon téléphone eut sonné à sept heures et demie, n’émergeant finalement qu’à neuf heures moins le quart. Ronchonne, barbouillée, tête en vrac, fatiguée.

Dehors, comme tous les jours, ciel bleu, soleil radieux, végétation verdoyante, pépiement des oiseaux : signes faussement joyeux, sensation de vivre dans une prison dorée. De toute façon il fait trop chaud pour la saison.

Je suis restée au lit jusqu’à midi et demi à pianoter sur l’ordi, avec deux chats comme compagnie lascive.

Relever mes mails perso, mes mails pro, passer en revue tous les albums de ma bibliothèque musicale numérique, réfléchir aux titres à inclure dans ma 3e playlist « spécial confinement », visionner sans me lasser la vidéo des Sex Pistols « Holidays In The Sun », écouter la quatrième lecture d’Anne Cardona consacrée à une poésie fantaisiste de René de Olbadia « Chez moi », boire à l’envi du café réchauffé au micro-ondes, corps engourdi, pensées meurtries, idées à la dérive.

Un bon steak haché à cheval avec frites, ketchup et Breizh Cola, déjà ça allait mieux.

Appel sur mon portable : le directeur de mon école de rattachement me demande d’assurer le suivi de sept élèves du CM1/CM2 et du CM2 de mon école de rattachement. Depuis lundi 20 avril, jour officiel de la rentrée des classes, ils ne se sont pas manifestés auprès de leur enseignant-e, ils ne rendent aucun travail. Mon rôle est de leur téléphoner pour savoir ce qui se passe, tenter de remettre les brebis égarées dans le droit chemin.

Ce ne sera pas pour ce jeudi, je ne suis pas du tout dans l’esprit d’appeler des familles dont la plupart préparent le début du Ramadan, je ne me sens pas l’âme d’une warrior.

Par contre, je me suis concocté un programme détaillé pour aujourd’hui vendredi 24 avril :

-Sept heures trente, réveil, lever à la première sonnerie
-Café du jour + pain au chocolat
-Faire mon lit (virer Grigri)
-Marche sportive et course à pied soft à la fraîche (une heure)
-Douche
-Habillement (vêtements colorés)

Mise au travail :
-Préparation d’un questionnaire et d’un éventail d’argumentaires pour expliquer la nécessité de continuer à suivre l’enseignement proposé par le maître/la maîtresse à l’attention des familles que je vais contacter.

-Téléphoner aux familles en sachant que je risque de tomber sur un répondeur et d’être obligée de laisser un message si possible convaincant, négocier un plan de travail avec les élèves concernés, en tout cas mettre en place quelque chose permettant leur maintien dans le système scolaire sous une forme ou une autre, envisager des solutions alternatives, une classe virtuelle, des cours particuliers, des envois via la Poste…

-Réunion Zoom avec le directeur et les collègues de l’école à seize heures, compte-rendu de mes investigations, écoute, échanges…

Ensuite, début du week-end, concert à File 7, replay des « Lettres d’intérieur » d’Augustin Trapenart sur France Inter juste avant neuf heures ; si vous ne deviez n’en écouter qu’une (deux minutes) ce serait celle-là : le poème « À tous lesconfinés, fruits confis » de Brigitte Fontaine.

Danse 80’s, promenade avec les chats dans la résidence, conversations à distance réglementaire avec les voisins et les voisines, applaudir à vingt heures, lecture, mots croisés, dodo, clap de fin.

J’ai tout fait comme prévu depuis mon réveil, maintenant j’attaque le plus gros du programme : la mise au travail.