Tout comme à
Florence et à Venise, il avait ressenti un immense bien-être en descendant du
train. Il arrivait de Milan par une ligne à grande vitesse, après une nuit
passée en wagon-couchette depuis la gare de Lyon. Il avait laissé ses bagages à
la consigne, ne gardant que le minimum sur lui dans un petit sac à dos, avec
son appareil photo.
Foulant pour
la première fois de sa vie le sol de cette ville tant convoitée, ses pas
l’avaient mené d’emblée vers les ruines antiques les plus proches de la gare,
les thermes de Dioclétien. Il y avait passé tout le reste de la matinée,
enchaînant sur le musée national, immense, puis l’église
Sainte-Marie-des-Anges.
En ce début
d’après-midi, il profitait d’une pause bien méritée avec sandwichs, verre de
prosecco et tiramisu en dessert, à la terrasse d’un café surplombant la Piazza
della Repubblica. De là où il était, sous les arcades de l’imposant bâtiment en
hémicycle, la vue était imprenable, un grand panoramique ! Quelle joie,
pour lui, d’être là !
C’est alors
qu’il l’aperçut, majestueuse, imposante, resplendissante. Sa couleur bronze
attirait son regard, elle avait des reflets bleutés. Tout autour d’elle, un
halo clair, lumineux, irisé. Elle murmurait, elle chantonnait, elle l’appelait
irrésistiblement. Il lui faudrait bientôt aller à sa rencontre.
Après avoir
fini son repas et bu un café americano, il traversa la place sans hésiter une
seconde, pour rejoindre le terre-plein central. C’est là qu’elle se trouvait,
rayonnante de beauté.
Elles
formaient un quatuor parfait. Passant lentement de l’une à l’autre, il fut
émerveillé par la grâce de leur corps dénudé, par leur féminité exacerbée, par
l’insolence de leur jeunesse. Il pouvait les regarder comme bon lui semblait,
s’approchant, se reculant, se décidant pour l’angle de vue d’une photo.
Il fit un
deuxième, puis un troisième tour du bassin circulaire où elles posaient, de
façon très expressive, en compagnie de créatures monstrueuses qui leur
donnaient du fil à retordre. Au centre, plus haut, dans un bassin plus petit,
un homme nu et musclé agrippait un dauphin, lequel crachait un jet d’eau
généreux.
L’une
saisissait fermement par la crinière un redoutable cheval marin, l’autre
chevauchait un oiseau géant. La troisième, visiblement détendue, s’appuyait sur
le dos d’une espèce d’iguane. Quant à la dernière, elle était carrément sexy,
s’amusant follement avec un long et vigoureux serpent.
Alors,
laquelle choisir ? La tête lui tournait, il était indécis. Elles étaient
la perfection même, toutes les quatre ensemble. Joyeuses, joueuses,
facétieuses, débordantes de vitalité. Toutes aussi envoûtantes, attirantes,
désirables.
Plus tard, le
soir, dans sa chambre d’hôte, en ouvrant son guide touristique, il apprendrait
que c’étaient des naïades qui l’avaient tant charmé, et plus précisément des
nymphes, protectrices des sources.
Il lut, avec
un regard amusé, qu’elles firent scandale lors de l’inauguration, en 1901. On
leur reprochait d’être nues, impudiques, lascives, provocantes. Mais elles
étaient restées, une eau de source coulait là, l’eau d’une source sacrée, pas
question de les déloger !
Ainsi,
chacune de ces divinités avait sa symbolique : la nymphe de l’océan
combattait le cheval marin, la nymphe du lac était représentée avec un cygne,
la nymphe des rivières souterraines avec un dragon, la nymphe des fleuves avec
un serpent… La maîtrise des forces de la nature exultait par l’homme empoignant
son dauphin.
Il l’avait
rencontrée sans vraiment la chercher, un peu par hasard. Le premier jour d’un
voyage, il s’imprégnait avant tout des humeurs de la ville, allant ici ou là,
au fil de son inspiration.
À la fontaine
des Naïades place de la République, s’ajouteraient celle de la Pomme de pin au
Vatican, la Barque sur la place d’Espagne, les Quatre Fleuves et son obélisque
place Navone, l’incontournable fontaine de Trevi, l’irrésistible fontaine du
Triton…
Il venait d’arriver à Rome, où mille et une splendeurs encore, l’attendaient.
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