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dimanche 17 mai 2020

Perdre une amie


Le 16 avril 2017

L’an dernier, lorsque ma chatte noire et blanche est morte, il m’a été facile de la remplacer. Ne voulant pas laisser s’installer le vide provoqué par sa disparition soudaine, je l’ai rapidement comblé en adoptant une nouvelle compagne féline. Toute blanche, celle-ci.

Lorsque mon petit ami est parti, il y a trois ans, j’ai ressenti cet état de fait comme un soulagement. Tu en sais quelque chose ! Il avait littéralement pourri le dîner que tu avais organisé chez toi pour ton anniversaire, buvant comme un trou, prenant tout le monde de haut, parlant à tort et à travers sans écouter les autres…

Je n’ai pas remplacé mon petit ami, ça tu le sais aussi. J’ai essayé, un peu, comme ça, jetant mon dévolu sur quelques mecs qui m’attiraient mais qui n’ont eu que faire de mon désir d’amour. Comme toi, le fait de vivre seule n’a jamais été un problème. Cela comporte même un certain nombre d’avantages, dont je n’ai pas besoin de te faire la liste. Comme moi, tu pouvais te passer d’un homme.

Perdre une amie, en revanche, quel désastre ! Mon premier réflexe a été de contacter celles qui m’étaient soi-disant les plus proches, aucune d’entre elles ne manifestant cependant un besoin impérieux de me voir. Tu m’imagines, quémandant une plage libre sur leur agenda pour une balade, un ciné, un concert, un déjeuner ou un dîner… Juste un café, alors ? C’est ce que j’ai fait, pourtant ! Sans grand résultat.

Contrainte et forcée à la solitude, j’ai nourri mon chagrin au fil de ces jours printaniers au ciel trop bleu, au soleil aveuglant, à la chaleur inquiétante. Je me suis reconnectée jusqu’à m’y perdre sur ce site de rencontres gratuit dont tu m’avais parlé. J’avais fini par m’inscrire, à la fin de l’été. Tu as été la première et la seule au courant de mes expériences, peu concluantes, voire décevantes, en vérité. Elles ne furent pas plus fructueuses au cours de ces quelques soirs d’errance, je te rassure ! Des centaines de profils dénués d’intérêt, pour la plupart. Quelques mecs, tout de même, avec lesquels échanger sur la musique…

La zique… Avec qui d’autre que toi pouvais-je si bien en parler ? Nous avions vu ensemble l’expo Bowie à la Philharmonie de Paris, plus tard nous avions pleuré sa mort… Tu écoutais « Black Star » en boucle, j’ai numérisé ton CD à l’occasion d’un échange de nos dernières trouvailles. J’ai découvert grâce à toi le groupe Feu! Chatterton, tu aimais beaucoup le côté allumé du chanteur, la qualité de ses textes. Tu n’as pas accroché à « Scarifications » d’Abd Al Malik, mais Florent Marchet t’a enthousiasmée, alors je t’ai refilé tous les albums. « Bambi Galaxy » était de loin ton préféré.

Nous nous étions fréquentées dans les années quatre-vingt-dix, sans devenir de « vraies » amies. Œuvrant toutes les deux dans le domaine musical et associatif, nous partagions, à l’occasion, des concerts, des repas, des fêtes… Tu connaissais mon frère et sa petite amie, laquelle est devenue sa femme. Ta sœur cadette t’accompagnait souvent, je l’aimais bien aussi. Vous étiez de si bonne humeur ! Toujours un mot pour rire, une connerie à dire !

Nous ne nous sommes plus vues pendant de nombreuses années, jusqu’à ce festival en plein air, en mai 2005, à la Ferté-sous-Jouarre. Il y avait avec toi ce grand dadais barbu, à la chevelure rasta, avec lequel tu faisais de la musique. Tu pratiquais le talk over, m’avais-tu dit, une façon de dire tes textes à la limite du chanté, ni slam ni rap, à la façon de Gainsbarre.

Nous avons échangé nos numéros de téléphone, nous allions nous en faire, des putains de concerts ! Jad Wio à la Cigale, le retour triomphant d’Hubert-Félix Thiéfaine à la Cartonnerie de Reims, Daniel Darc au Palace, le même au Trianon, Catherine Ringer à File 7, Rachid Taha, Orange Blossom, Dominique A… Charles de Goal sur la barge flottante de Petit Bain, à fond les ballons ! C’était un dimanche soir, en décembre 2015. La salle était blindée ! Ce fut le dernier où nous sommes allées ensemble.

Il y a eu ceux où tu étais sur scène, micro en main, tranquille, posée, inspirée, au meilleur de ta forme. J’aimais beaucoup tes textes, ta façon de les dire, avec lenteur, pudeur et retenue. Le grand dadais apportait sa touche musicale de manière discrète mais complémentaire, jouant finement sur les styles, les rythmes, les sons, les instruments, les effets sur ta voix… J’ai pu écrire la chronique de deux de vos albums dans le magazine pour lequel je faisais des piges. Quel honneur pour moi !

Tu as vu moins, puis plus du tout, le grand dadais. Vous avez cessé de faire de la musique ensemble, mais tu as continué à écrire des textes, que tu m’envoyais par mail. Je te donnais mon avis. Parfois, tu me les lisais au téléphone. Parfois, tu me les récitais, lorsque nous nous voyions. Nous nous voyions souvent, nous étions maintenant amies ! Tu me parlais de ta maladie, de tes séjours fréquents à l’hôpital, de tes traitements, de ton état de santé en dents de scie.

Je profitais avec toi des moments où tu allais bien, où l’on pouvait bouger, sortir, s’amuser, marcher, nager, même ! Tu adorais nager. Sinon, eh bien je te rendais visite à l’hôpital. Ces derniers temps, nous allions moins souvent en concert, mais nous fréquentions le centre d’art contemporain de Château-Thierry, nous faisions des expos : l’Orient Express à l’Institut du Monde Arabe, la Libération de Paris au musée de l’Hôtel de Ville, Jean-Paul Gaultier au Grand Palais, la rétrospective Modigliani à Lille, les installations de Michel Houellebecq au Palais de Tokyo, Paul Klee à Beaubourg… Tu étais passionnée par ce peintre, souffrant, comme toi, de la sclérodermie.

Il y a eu ce bel après-midi d’octobre où nous nous sommes retrouvées à Paris, pour voir mon amie de longue date qui était devenue elle aussi ton amie. Nous avons flâné et devisé le long des quais de la rive gauche, depuis l’Assemblée Nationale jusqu’à Châtelet. Un sacré bout de chemin ! Sur la proposition de notre amie, une inconditionnelle, nous avons fait une pause gourmande et méritée au Paradis du Fruit.

Le soir, nous dînions chez elle, en compagnie de ses deux fils et de son mari. Il avait préparé un savoureux repas vietnamien, avec cuisson sur ardoise des viandes parfumées, des champignons frais, des oignons, des légumes… J’avais apporté du champagne et toi une bonne bouteille de vin. D’autres furent ouvertes pour entretenir notre état d’ivresse ! Plus tard dans la soirée, son mari officiant comme DJ, notre amie s’est mise à danser au milieu du salon. Leurs deux fils s’étaient éclipsés depuis longtemps pour reprendre leurs parties de jeux en ligne. Toutes les deux, nous parlions zique, matant quelques clips sur la tablette qui traînait là.

Pour Noël, tu es partie à Antibes, en train, avec tes deux sœurs. Vous avez bien déliré là-bas, m’as-tu dit à ton retour ! Vous avez fait des balades le long de la mer, vous avez visité le musée Picasso… Vous étiez bien plus proches, ces derniers temps. Vous preniez le temps de vous voir, de faire des choses ensemble.

Le 23 janvier, c’était ton anniversaire : cinquante-trois ans, tu atteignais le même âge que moi ! Te le souhaitant par SMS et demandant de tes nouvelles (je n’en avais pas eu depuis le nouvel an), tu m’as appris que tu étais hospitalisée depuis une dizaine de jours. Tu souffrais terriblement du dos et des intestins, on t’avait mise sous morphine, on te faisait des examens.

Le 28, je suis venue avec des fleurs et ma bonne humeur, t’offrant le recueil de mon atelier d’écriture où figurent deux de mes textes. Tu m’as remerciée chaleureusement, tu m’as promis de les lire vite, tu aimais bien la manière dont j’écrivais. Tu m’as parlé de Florent Marchet, de son album « Frère Animal » sur fond de campagne présidentielle, des concerts que tu regardais sur ton smartphone, des émissions à la télé, principalement Arte. Tu as craqué, tu as pleuré, je t’ai réconfortée, je t’ai fait rire… Ma visite t’a fait chaud au cœur.

En février, j’ai pris des vacances en Savoie puis en Suisse, jusqu’à Berne et le centre Paul Klee. J’ai bien pensé à toi, là-bas ! Quand je suis revenue te voir à l’hôpital, tu étais très affaiblie. Tes deux frères étaient là, tes deux sœurs aussi, ta nièce est passée en fin d’après-midi.

Avec ta sœur cadette, je t’ai accompagnée en bas, pour que tu puisses fumer ta clope, prendre un peu l’air. Tu étouffais dans ta chambre, tu aurais préféré être chez toi. Nous sommes restées toutes les trois un long moment à discuter à la cafétéria. Tu t’exprimais difficilement, calée dans ce fauteuil roulant, sans forces, ni dans les bras ni dans les jambes.

Le soir, une fois chez moi, j’ai téléphoné au grand dadais. Tu ne le voyais plus, mais vous n’étiez pas fâchés pour autant, m’avais-tu dit. J’avais toujours son numéro sur mon portable. Je l’ai mis au courant de la situation, de ton état de santé, de ce cancer qui s’installait dans tes os et tes organes. Le lendemain, il est passé te voir. L’un de tes SMS disait que sa visite t’avait fait du bien.

La semaine suivante, c’est en salle de réanimation que je t’ai retrouvée, branchée de partout, un masque à oxygène sur le nez et la bouche… En te quittant je t’ai dit à bientôt, remets-toi vite ! On s’est souri, on s’est pris la main… Ensuite, c’est par tes sœurs que j’ai eu des nouvelles. Tu n’étais plus en capacité de me parler au téléphone ni de m’écrire un SMS.

J’allais monter dans ma voiture pour aller travailler quand j’ai reçu le message, le 16 mars au matin. Sonnée, abattue, hébétée, j’ai pleuré la journée entière. Sensation de flou, d’être là sans y être, mon corps lourd de tristesse tournant au ralenti, la douleur lancinante de t’avoir perdue à jamais. Chez moi j’ai ressorti tes disques, lu un à un tes textes. Je les archivais tous sur mon ordinateur, au fur et à mesure que tu me les envoyais. J’ai prévenu notre amie de Paris, mon frère et ma belle-sœur, le grand dadais.

L’hommage qui te fut rendu au cimetière, le lendemain de ton enterrement en famille selon les traditions kabyles, était à ton image. Une sono portative diffusait ta musique, ta voix résonnait, fière et digne, au milieu des tombes. On a été plusieurs à lire tes textes, avec un micro. J’avais choisi « Traditionnel inconditionnel » et « Yemma », ce bel hommage à ta mère. On a mis tes CD de Daniel Darc, Serge Gainsbourg, David Bowie… Il y avait du monde pour toi, tu sais. Le grand dadais, très éprouvé, ne s’est pas senti en état de venir. Il a pris ça de plein fouet, lui, sans y être préparé… Il a dû regretter amèrement d’avoir négligé votre amitié.

La suite s’est passée chez toi, en plus petit comité, sous forme de buffet. Tes sœurs et ton beau-frère avaient tout organisé. Comme tu aimais le champagne, on a bu du champagne, tout en parlant de toi. Tu imagines le coup de blues que ça m’a foutu de retourner dans ton appartement, de voir me sauter à la gueule tous ces souvenirs des moments qu’on y a passés, d’être assaillie par les pensées de ce que nous ne ferons plus jamais ensemble… Putain, fait chier !

Je ne te remplacerai pas comme on remplace un animal de compagnie ou un petit ami, ça non, c’est tout bonnement impossible. Je vais devoir vivre avec le grand vide que tu as laissé, tout comme avec l’espace que tu vas continuer à occuper dans mon esprit. Mon deuil n’est pas fini, il commence à peine, je te pleure, mon amie, ma meilleure amie ! 

Ta vie s’en est allée, tu restes dans mon cœur, je reviendrai te voir, je viendrai te parler, j’apporterai des fleurs, tout comme aujourd’hui.

En la mémoire de mon amie Yasmina Sahnoune, née le 23 janvier 1964, décédée le 16 mars 2017.


samedi 16 mai 2020

Mes deux journées de rentrée post-confinement


         Jeudi 14 mai, réveil à six heures trente, câlins nez contre truffe rose humide avec Lutin, ma douce beauté toute blanche, avant de sortir du lit. Appui sur le bouton de la cafetière préparée la veille, rituel du nourrissage de mes félins, premier mug de café, lit fait et mis en position canapé, salle de bains, habillage, chaussage, repas froid déposé dans ma lunch box isotherme, deuxième mug accompagné d’une part de gâteau fait maison, rangement de l’ordi dans sa mallette de transport, démarrage de la voiture, trajet sur des routes vides, arrivée à l’école.

         Je n’ai pas de groupe d’élèves attitré ; pour l’inspection je suis là en renfort, une nouvelle mission me sera donnée lundi 18 mai au matin. Les élèves (25 au total) arrivent de façon échelonnée. Pendant que les enseignants les accueillent à la grille, je me poste au niveau des toilettes pour leur faire respecter la distance d’un mètre, je veille à ce qu’ils se lavent correctement les mains, ce qu’ils font tous merveilleusement. Je les félicite les uns après les autres, ils sont très doués !

Ah oui j’ai mis un masque dès mon entrée dans les locaux, chaque enseignant en a deux à disposition pour la journée, ainsi qu’une visière que je m’abstiens de porter, ce n’est pas obligatoire.

Le directeur n’a pas besoin de mon aide alors je vais boire un café (celui que j’ai apporté dans ma thermos) en salle des maîtres, j’ouvre mon ordi, je lis mes mails perso et mes mails pro.

Comme les entrées et les sorties, les récréations sont elles aussi échelonnées. J’occupe consciencieusement le poste stratégique des toilettes, je relaie les collègues qui ont besoin de faire une pause pipi ou une pause clope, je surveille les enfants dans la cour, j’observe leur façon de jouer. Bien éloignés les uns des autres, ils ont l’air de s’amuser malgré les contraintes.

         Nouveau passage aux toilettes avant de remonter en classe (elles sont toutes au premier étage) puis je retourne en salle des maîtres, les collègues se gèrent tous seuls, le directeur aussi…

         Déjeuner en commun à distance respectable, je suis la seule à consommer un repas froid. Les autres ont réchauffé leur plat au micro-ondes, pourtant c’est écrit noir sur blanc dans le protocole : « Proscrire l’utilisation de micro-ondes collectifs ». Je ne dis rien, pas envie de jouer la rabat-joie et de semer le doute, je mastique mon sandwich au pâté de lapin dans une ambiance paisible, détendue.

         L’après-midi, branle-bas de combat. Je demande au directeur la clé de la réserve de sport et j’installe dans la cour un parcours gymnique à base de plots, de cerceaux et de cordes. Au cours des trois récréations successives, j’encadre les élèves volontaires (ils sont tous volontaires) pour effectuer le parcours ; ils ne doivent pas toucher au matériel avec leurs mains (heureusement il leur reste leurs pieds). Tout le monde est content des exercices physiques proposés, je me sens satisfaite et utile à la société.

         Vendredi 15 mai, même assiduité aux toilettes le matin à l’arrivée des enfants. Il n’y a plus d’essuie-mains dans le distributeur alors je cours en chercher, puis je propose au collègue remplaçant (qui a en charge six élèves, trois CE1 et trois CE2) de lui apporter mon aide, notamment auprès d’Anaëlle, en CE1B, dont je connais les difficultés, ayant effectué trois semaines de remplacement dans sa classe, cette salle-là justement où nous sommes installés. Lire au sujet de cette fameuse classe mon post précédent Mes deux journées de pré-rentrée.

Je resterai là toute la journée, m’occupant, outre d’Anaëlle, du travail des deux autres élèves de CE1B : Morgan (un garçon) et Julia, pendant que mon collègue fait cours aux CE2.

         Pendant la pause-déjeuner, je proposerai au directeur de photocopier pour son école la fiche pédagogique envoyée par l’inspection, proposant « des idées pour des récréations en respectant la distanciation sociale ». Il me remerciera chaleureusement, le plaisir est pour moi, le partage est dans ma philosophie.

         J’installerai pour les récrés de l’aprèm un parcours sportif différent de la veille, avec toujours le même matériel basique, pour la plus grande joie des enfants (du CP au CM2), de leur maître ou de leur maîtresse.

Lundi 18 mai, eh bien j’irai là où l’on me demandera d’aller, je sais m’adapter, je ne suis pas à cours de ressources, j’aime mon nouveau métier.

vendredi 15 mai 2020

Marin' Bar

Finis, terminés, abolis, oubliés, renvoyés aux calendes grecques les applaudissements de 20 heures en soutien aux soignants et à toutes les personnes ayant contribué à la santé, au confort, à la sécurité de leurs concitoyens confinés ! Rayés des mémoires, ces gens indispensables qui ont continué à travailler sans compter leurs heures, puisqu’a priori, tout le monde est retourné au travail depuis lundi 11 mai. 

Après avoir eu peur de mourir, les Français n’auraient maintenant qu’une idée en tête : partir en vacances cet été. Où, quand, comment, avec qui, par quel moyen de transport, dans quelles conditions, là serait leur unique préoccupation existentielle.

Mais oui, bien sûr ! Depuis la bénédiction d’Édouard Philippe sur le début de la fin du confinement touristique, tout le monde s’active à la préparation de ses vacances avec moult interrogations sur ce que l’on pourra faire ou pas.

Hier soir sur France Inter (émission « Le téléphone sonne »), j’ai écouté avec consternation de tristes sires se plaindre d’avoir dû annuler leur séjour aux States, en Sardaigne ou sur la Costa del Sol, et hésiter actuellement entre les plages atlantiques ou méditerranéennes, les montagnes auvergnates, jurassiennes, alpines ou pyrénéennes, les fins-fonds de la campagne, avec ou sans gluten…

C’est qu’il faut relancer l’économie ! Après deux mois relativement tranquilles à la maison, ordre nous est donné de la quitter, d’aller vers d’autres horizons, de faire chauffer la carte bancaire sur Internet (garanti sans virus) pour s’assurer, en juillet et/ou en août, une place au soleil. Foutaises…

Ben moi ce soir, en rentrant du travail, j’ai commencé par écouter le plus plombant des albums d’Hubert-Félix Thiéfaine « Dernières balises (avant mutation) » déjà évoqué dans un post précédent, avant de bifurquer vers de vieilles chansons de Gérard Manset.

Pourquoi avoir choisi celle-là : « Marin’ Bar » ? Plutôt qu’ « Animal on est mal », « On ne tue pas son prochain » ou « Il voyage en solitaire » ?

Parce que, malgré sa rythmique entraînante, ses sonorités caribéennes et le tube qu’il fût à l’aube des 80’s, je sens poindre, derrière la joie apparente de cette fille, libre certes, une confrontation avec la vacuité de sa vie.


Allez, je mets aussi « Comme un guerrier », au désespoir plus explicite, qui m’a fait plus d’une fois pleurer.


Demain, s’il est ouvert, je me rendrai au cimetière de Château-Thierry, j’irai voir Yas, je fleurirai sa tombe et celle de son frère Karim, tous deux disparus à la cinquantaine… Comme ils me manquent !

jeudi 14 mai 2020

La crise

« La crise économique : c’est fantastique, la décadence : c’est la bonne ambiance… »

Les Civils sont apparus dans le paysage musical hexagonal en 1981 le temps du single imparable « La crise » qui a tourné mille et une fois sur ma platine de lycéenne. 

Sur la deuxième face du 45 tours, la chanson se nommait « Voisineries ».

« Je vais sortir ce soir, ce soir, en écoutant du rock be bop a lula, pas de boulot pour moi, pour moi, je sirote un cocktail… »

Alors comme ça, le chanteur et saxophoniste du groupe est devenu journaliste, et actuellement chroniqueur gastronomique sur France 3 dans l’émission Midi en France ?

mercredi 13 mai 2020

Mes deux journées de pré-rentrée


Passage express lundi matin à mon école de rattachement, le temps de revoir (de loin) mes collègues, de m’affubler d’un masque à usage unique qui n’a pas tardé à m’embarrasser car j’ai eu envie d’un café, et la secrétaire de l’inspection m’appelait pour me donner mon affectation pour la semaine a-t-elle précisé.

J’ai fini tranquillement ma tasse puis j’ai repris ma voiture pour me rendre à l’école élémentaire de la petite ville d’à côté, celle où j’avais effectué un remplacement de trois semaines dans la fameuse classe de CE1B où les enfants tombaient malades comme des mouches, terrassés par ce qu’à l’époque (fin janvier début février) on appelait une forte grippe.

Durant cette période, il n’y a pas eu un jour où j’ai travaillé avec la classe entière. Certains arrivaient le matin avec une petite mine et repartaient chez eux le midi après appel à leurs parents parce qu’ils s’étaient écroulés sur leur table, parce qu’ils toussaient, parce qu’ils avaient mal au ventre, parce qu’ils avaient vomi, parce que leur température dépassait les 38°C.

Les premiers signes sont apparus pour moi le mercredi avec un mal de gorge ; le jeudi j’ai eu mal à la tête, des courbatures et mon système respiratoire a commencé à s’encombrer ; le vendredi (dernier jour de classe avant les vacances) je me suis réveillée avec une forte fièvre mais j’ai décidé d’aller quand même à l’école car je ne voulais pas être délestée d’un jour de carence.

À la récré de dix heures j’ai pris rendez-vous avec mon médecin traitant, au cours de la journée j’ai clôturé mon remplacement (corrections, mise en ordre du cahier-journal, rangement de mes affaires…), avec les élèves présents on a fait des jeux de société et un goûter l’après-midi mais je n’en menais pas large…

Rentrant chez moi je me suis mise au lit frigorifiée et tremblotante avec 38,9°C au thermomètre, à dix-neuf heures dix j’étais chez le médecin qui, après m’avoir examinée et déclaré que ce n’était pas la grippe, m’a prescrit du Doliprane, du pschitt pschitt pour le nez, du sirop et du repos.

Bonjour le début des vacances d’hiver. Le samedi j’ai dormi, le dimanche j’ai dormi, le lundi j’ai préparé mes affaires pour mon départ dans le Jura avec ma mère, le mardi on est parties, dans la nuit je n’ai pas cessé de tousser, le mercredi matin j’ai pris rendez-vous chez le médecin de la station qui m’a donné des antibiotiques, j’ai dormi tout l’après-midi et encore toute la nuit, le jeudi je n’étais pas plus vaillante…

Je n’ai pas fait de ski m’en sentant tout bonnement incapable, juste une balade en raquettes le vendredi après-midi et de courtes promenades. Avec ma mère nous avons visité les musées des alentours, elle préparait de bons petits plats midi et soir, je n’avais pas trop d’appétit mais je n’ai pas souffert d’une perte de goût, tant mieux.

De retour à mon domicile, poursuivant le traitement antibiotique, je n’ai fait que dormir, encore et encore, ainsi j’étais fraîche et dispose pour retourner au travail le lundi 24 février au matin. C’est alors que le virus, qui jusqu’alors se limitait à faire des dégâts en Chine, s’est imposé en Europe de façon bien réelle.

Voilà toute l’histoire. Depuis j’ai revu mon médecin traitant qui n’exclut pas que j’ai été frappée d’une forme particulière du Covid-19, comme de nombreuses autres personnes début 2020.

Lundi 11 mai, donc, réunion de l’équipe enseignante, chacun-e dans un coin de la classe avec un masque à usage unique sur le visage, son gel hydroalcoolique personnel à portée de main puisque les flacons promis par l’administration n’avaient pas encore été livrés (mardi soir il n’y en avait toujours pas), point sur les enfants qui seraient présents dès jeudi 14 mai et ceux qui ne reprendraient la classe que mardi 2 juin, passage de l’infirmière pour répondre aux questions et évaluer le respect du protocole sanitaire (loin d’être au top), encadrement des huit enfants de soignants occupant la salle attribuée au centre de loisirs pour permettre aux enseignant-es de l’école de préparer leur classe, de repenser l’espace, de condamner l’accès au matériel pédagogique collectif (bibliothèque, jeux de société, outils de géométrie…).

Mardi 12 mai, comme le nombre d’enfants du personnel prioritaire est monté à treize, il a fallu faire deux groupes dans deux endroits différents. J’ai encadré les cinq élèves de maternelle dans la salle du centre de loisirs en compagnie d’une ATSEM : Marianne le matin, Martine l’après-midi.

Nous avons expérimenté l’application du protocole, une place attitrée à chacun-e sur une table pour le travail de classe et autres activités éducatives, leur manteau déposé sur le dossier de leur chaise, un lavage des mains régulier, le portage du masque en permanence pour les adultes (je ne me serais pas crue capable de le supporter pourtant je l’ai fait et a priori ça ne gênait pas plus que ça les enfants), par contre pour le jouet personnel il faudra repasser, pour la récré sans rien à manipuler c’est pareil, les petits ne sont pas à cours d’idées pour s’amuser avec des fleurs cueillies dans la pelouse ou des pommes de pin ramassées sous les arbres…

J’ai installé dans la cour un parcours sportif avec des plots et des cerceaux auxquels les enfants n’avaient pas le droit de toucher, ça a très bien marché, ils étaient très contents de pouvoir sauter, courir, contourner, slalomer…

Jeudi 14 mai ce sera une autre paire de manches mais Cool Raoul on n’est pressé de rien, on n’a pas le bac à leur faire passer, juste une rentrée des classes extraordinaire à prendre comme telle, avec sérieux, certes, mais humour aussi ; enfin c’est ce que je compte faire.

Quand même, pour finir, un des collègues de l’école l’a attrapé, le coronavirus, et heureusement pour lui, il s’en est bien sorti.

mardi 12 mai 2020

L'économie


Plutôt que de continuer à écouter « Le téléphone sonne » et ses prises de tête à deux balles, retour sur la chansonnette de Frédéric Fromet, Charline Vanhoenecker et consorts « C’est l’économie qui redémarre » ce matin sur France Inter juste avant huit heures. Ah Ah Ah !


lundi 11 mai 2020

En route pour la joie


Adieu mon pays de Cocagne, fini le poil dans la main payée à rien foutre (regarder la poutre dans l’œil du voisin), retour aux « vraies » valeurs : travailler, produire, consommer, gaspiller.

Hier, dimanche 10 mai, dernier jour avant le lâcher des fauves, j’ai vécu ma journée dans la perspective de retour à mon rythme d’avant, j’ai jaugé des tâches accomplies pendant mes deux mois de relâchement confinement.

Vivre seule, indépendante, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit, je savais déjà faire, il n’y a pas eu de grands changements de ce côté-là. Je n’ai pas pour autant procédé au repli sur soi, m’entretenant quotidiennement avec ma voisine Élisabeth depuis sa terrasse, bavardant de ci de là avec les autres voisins-voisines de la résidence, en respectant bien sûr la distance imposée.

Conversations téléphoniques, échange de courriels réguliers avec ceux-celles qui comme moi aiment bien écrire, pratique du blog à raison d’un post par jour, applaudissements généreux pratiquement tous les soirs, n’oublions pas les contacts chaleureux avec les commerçant-e-s, les caissières et caissiers du supermarché… Bref je n’ai pas cessé de communiquer.

La pratique d’une activité physique en plein-air quasi quotidienne (puisque j’ai cette chance d’habiter un village entouré de champs, de chemins et d’espaces boisés) m’a permis de garder la forme et le moral, de ne pas prendre de poids (ne pas en perdre non plus mais c’est déjà pas mal), de découvrir des rues, des habitants que je ne connaissais pas, de prendre des photos (paysages, tags et graffs, jardins, maisons, cabanes), d’appréhender mon cadre de vie sous un angle différent.

J’ai pris soin de mon intérieur sans pour autant devenir une maniaque du ménage, je suis venue à bout du rangement de ma CDthèque, j’ai réalisé trois compils « spécial confinement » de soixante titres chacune (la quatrième est en bonne voie), j’ai écouté la radio en direct ou en replay, regardé quelques journaux télévisés, visionné les allocutions de notre Président, les interventions du ministre de l’Éducation nationale, les discours du gouvernement… Par contre je n’ai vu aucun film, par crainte, sans doute, de trop aimer la passivité suscitée par les images animées, de m’y complaire et de m’y perdre. Pourtant j’ai surfé sur le net, je suis restée au lit à pianoter sur l’ordi en sirotant du café jusqu’à des heures indues, mais dans ma tête ce n’était pas pareil.

Je suis restée en mouvement, disciplinée, sur le qui-vive, me levant tous les jours à (environ) sept heures et demie même si je n’avais pas beaucoup dormi durant la nuit (difficultés à trouver le sommeil), repoussant l’envie d’une sieste en début d’après-midi qui n’aurait eu d’effet que d’augmenter les insomnies (j’ai bien cédé une ou deux fois quand même), je me suis occupée de mes chats qui me l’ont rendu au centuple ; nous avons pris l’habitude, eux et moi, de faire un circuit à l’intérieur de la résidence le soir après manger ; j’ai un peu jardiné, j’ai trituré la terre (je n’ai pas de jardin, seulement des fleurs et plantes en pots en intérieur et extérieur), j’ai lu des livres au lit et au soleil, des nouveautés achetées au tabac-journaux du supermarché qui a agrandi son rayon librairie…

Me voici arrivée au terme, voilà ce que j’ai fait pendant deux mois, maintenant que vogue la galère, nous sommes tous sur le même bateau, nous sommes tous solidaires, mais parviendrons-nous à empêcher certains de se noyer ?

Ce blog va continuer, c’est le journal de bord d’une pandémie et aux dernières nouvelles, elle n’est pas encore/tout à fait finie.

Par contre, je ne m’impose plus le dogme d’un post par jour. Ce sera selon mes inspirations et mes disponibilités puisque je vais retourner dans la vie active.

Fidèles lecteurs, lectrices, au revoir, à bientôt !