MAM, c’est
Musique Acoustique Machine, trio formé par François Michaud (violon, alto),
Viviane Arnoux (accordéon, chant) et Paul Vignes (human beatbox, clavier, chant).
MAM
enregistre incessamment sous peu son nouvel album « Time Box » qui
viendra compléter les précédents « Meddled Times » et « Human
Swing Box ». Pour le réaliser (sortie novembre 2020), les trois musiciens,
issus d’horizons musicaux différents, ont lancé un appel à financement participatif
sur Ulule. Il est encore temps d’y souscrire !
MAM et moi, c’est une longue et vieille histoire,
commencée avec le chanteur Thomasi dont j’avais chroniqué les albums « Lundi
dans la lune », « Le bazar du bizarre » et « Les bellespersonnes » pour le magazine « Sur la même longueur d’ondes » :
François Michaud y faisait vibrer les cordes de son violon.
Un concert de Thomasi au Zèbre de Belleville m’a
donné l’opportunité de rencontrer le violoniste qui m’a parlé de ses projets
musicaux avec Viviane Arnoux. J’ai alors découvert MAM sur disque puis en
concert : le dernier en date à la Bellevilloise, le 11 novembre 2017 ; j’y
avais invité plein d’ami-e-s.
Abonnée à la
chaîne YouTube de l’excellente artiste parisienne Isïa Marie découverte il y a
peu, j’ai reçu (lundi 18 mai) la notification d’une « Première » de sa
chanson qui m’avait déjà tant touchée et interpellée : « C’est pas toi
c’est moi » relatant avec pudeur, douleur et poésie, la détresse d’une
femme battue par son conjoint.
Cette
nouvelle version, d’autant plus mordante, sensible et inspirée, vaut absolument
qu’on s’y arrête : temps suspendu pendant trois minutes cinquante secondes,
chant sublimé par des effets discrets, rythmique imparable (Matthieu Caillot), synthés redoutables (Arthur Delamotte),
invitation au lâcher prise, larmes aux yeux, beauté, tristesse, tout y est dit.
Isïa Marie est
actuellement « en pleine composition d’un album, presque fini », alors
tenez-vous-le pour dit, restez aux aguets, elle va faire parler d’elle !
Le 20 avril 2020, je recevais ton courriel de
présentation de l’Enlivreuse, ta chaîne littéraire de lecture à voix haute sur
le thème du confinement (nous étions alors en plein dedans) et de l’enfermement.
Je me suis empressée de la découvrir, bien sûr !
Ta première vidéo, mise en ligne le mercredi 31
mars à 19 heures, proposait un extrait de « Voyage
autour de ma chambre » de Xavier de Maistre, remis au goût du jour et
fortement plébiscité dès le début du confinement. Ont suivi six autres
lectures, toutes aussi goûtues et gouleyantes les unes que les autres, postées chaque
mercredi à 19 heures.
Tu as une formation de comédienne et comme tu l’expliques
dans ta présentation, tu es spécialisée dans les voix off. Tu donnes des cours
de théâtre, tu es aussi chanteuse et musicienne…
Qu’est-ce qui t’a poussée à devenir
l’Enlivreuse ?
En fait, je travaillais sur un
projet de lecture à voix haute depuis trois ans déjà. Vu que j’avais animé une
émission de télé pendant deux ans, j’étais dans une humeur « télé ». J’ai
donc tourné un pilote d’émission télé en 2017, mais je ne l’ai pas trouvé suffisamment
réussi pour tenter de le diffuser.
Ensuite, j’ai réfléchi à faire un
podcast (idée que je n’ai d’ailleurs pas éliminée) puis, au moment de cette
« pause » forcée, je me suis retrouvée chez moi avec des livres, du
temps, un micro et une caméra… Alors une nuit d’insomnie, en me retournant dans
mon lit, je me suis dit : « Et si je faisais une chaîne YouTube ? »
Je pense que beaucoup de gens
aimeraient lire, ils en ont l’appétence, mais il y a une sorte d’inhibition, de
peur par rapport à l’acte de lire. J’espérais que peut-être en
« dédramatisant » la lecture, en présentant et en expliquant de
manière assez simple des œuvres et des auteurs qui parfois font peur – trop
illustres ou considérés comme trop intellos -, je pourrais peut-être entraîner
des personnes à se mettre ou se remettre à lire.
Et au pire, leur donner un petit
morceau, un « grain de beauté » une petite idée des mots, de la
langue, de la musique, des sentiments à travers ma lecture, si elles n’ont pas
l’envie, la possibilité, ou la force d’aller au-delà. Un petit amuse-gueule,
c’est déjà tellement mieux que rien dans le ventre !
Comment t’est venue l’idée de ce néologisme, que
tu déclines aussi en verbe par l’expression « Enlivrez-vous » ?
Là encore j’avais eu l’idée il y a
deux ans, en proposant chez moi des soirées « enlivrées ». Je travaillais
sur un thème (comme sur YouTube), je préparais des textes à lire, j’ouvrais les
portes de mon appartement à qui voulait (dans la limite de 15
personnes !), je lisais et proposais à ceux qui en avaient envie de lire
aussi, le tout au coin du feu avec de bonnes bouteilles…
D’où l’idée d’ivresse, avec le clin
d’œil au poème de Baudelaire « Enivrez-vous ». Et puis dans « Enlivreuse »
il y a aussi un peu le côté emmerdeuse, et je me reconnais bien là :
emmerder le monde mais avec des livres !
Pourquoi le mercredi à 19 heures ? Et
pourquoi pas, me répondras-tu ! Cela a-t-il néanmoins une explication ?
Parce que je ne voulais pas poster
le samedi où personne n’est censé être devant son ordi ou dans les transports
avec son téléphone (hum). Poster le dimanche aurait voulu dire être en stress
le samedi si tout n’était pas bouclé, et puis le mercredi c’est le soir de La
Grande Librairie, donc je prends la place de l’apéro littéraire avant le Grand
Repas !
Combien de temps est nécessaire, en moyenne, pour
préparer une vidéo, entre le moment où tu as l’idée et le moment où tu
diffuses ? Car tes lectures sont précédées d’une présentation détaillée de
l’auteur et de son œuvre, ce qui doit nécessiter des recherches approfondies de
ta part puis la rédaction de tes notes qui sont toujours claires, concises,
fort bien documentées…
Ça dépend du thème, certains sont
plus simples que d’autres, de ma connaissance dudit thème, de mes idées, mais
globalement je passe quatre ou cinq soirées entières de préparation pour chaque
vidéo.
Je suppose que ce n’est rien
comparé à d’autres chaînes littéraires incroyablement travaillées, documentées
et intelligentes que j’ai eu l’occasion de découvrir il y a peu.
Quelles personnes t’accompagnent dans ton
projet ?
Mon fils fait la voix off et le
piano sur le générique. Halim Talahari, qui est musicien, graphiste, cameraman,
monteur, ingénieur du son, conseiller artistique et débrouillard, fait tout le
reste !
Tu demandais à ton auditoire de te proposer des
idées en matière de textes confinés. Finalement, quels sont ceux qui t’ont été
suggérés ? En as-tu retenus et lus sur ta chaîne ?
Pour le moment, les suggestions que
j’ai eues ne correspondaient pas aux thèmes sur lesquels je pensais lire mais
j’en ai gardé quelques-unes en tête pour l’avenir. Et plus il y en aura, plus
la chaîne sera riche et variée !
Jusqu’à présent, je constate que la parité n’a
pas été respectée ! Une seule femme parmi six hommes, qui sont pour la
moitié des écrivains du 19e siècle… Comptes-tu remédier à cela dans
tes prochaines lectures ?
Il est vrai qu’en matière de
littérature, comme de peinture d’ailleurs, je suis une amoureuse du 19e siècle,
c’est sans doute celui que je connais « le moins mal », mais ce n’est
pas un choix, c’est vraiment le hasard des textes, enfin disons plus
précisément, la beauté ou l’intérêt des textes.
Concernant la parité il en est de
même, je n’y songe même pas, cruelle que je suis, ce n’est pas l’auteur – homme
ou femme – que je choisis mais l’œuvre littéraire.
Ce mercredi, le 20 mai, tu pars « sur le
chemin de la liberté. » Sans dévoiler à tes abonnés sur quel texte portera
ta lecture, peux-tu leur donner un petit indice ?
Et bien ce sera vraisemblablement
un extrait d’une pièce de théâtre (du 20e siècle) dont le thème est la liberté…
Garderas-tu la régularité d’une vidéo
hebdomadaire ou, sortie du confinement oblige, seras-tu plus souple dans tes
diffusions ?
Je garderai la régularité d’une
vidéo hebdomadaire, je ne veux pas trop en faire, je ne veux pas lasser, de
plus si j’en faisais une chaque jour, il est évident que la qualité en
pâtirait. Je pourrais en faire moins mais dans ce cas je lirais plusieurs extraits
et les vidéos seraient plus longues… Je crois que je préfère court et régulier.
Et surtout j’aime bien l’idée d’un auteur à la fois.
As-tu quelque chose à ajouter pour conclure cette
entrevue ?
J’ai énormément de commentaires très
élogieux sur ce projet (qui n’est pour l’instant qu’embryonnaire), pas mal de
personnes fidèles et enthousiastes déjà, mais pour que je puisse vraiment aller
plus loin, les commentaires et pouces en haut ne suffisent pas, il faut
vraiment que les personnes qui apprécient s’abonnent.
Et, si j’atteins un certain nombre
d’abonnés, j’ai une idée très très chouette à leur proposer, mais je ne pourrai
pas le faire sans une « fan base » minimum. Oui : « fan
base », réminiscence de la période où cigale que je fus, je chantais…
Merci, Anne, pour ton attention et tes réponses ! Tous mes encouragements de « fan de base » pour ce projet et ceux à
venir !
Pour mettre en appétit ceux et celles qui ne
connaissent pas encore « l’Enlivreuse », voici la liste des œuvres proposées,
dans l’ordre chronologique de diffusion :
« Voyage
autour de ma chambre » de Xavier de Maistre (roman écrit en 1794 suite
à son assignation à résidence pour un duel auquel il n’aurait pas dû participer
en tant que militaire)
« La
chambre double » de Charles Baudelaire (poème en prose publié en
1869 soit deux ans après sa mort)
« Chez
soi, une odyssée de l’espace domestique » de la
journaliste Mona Chollet (essai écrit en 2015)
« Chez
moi » de René de Obaldia (poème paru en 1969 dans le recueil
« Les Innocentines »)
« Le
terrier » de Franz Kafka (nouvelle inachevée écrite à
Berlin en 1923)
« Ballade
de la geôle de Reading » d’Oscar Wilde (composée en
France en 1898 après avoir effectué sa peine d’emprisonnement en Angleterre
pour homosexualité)
« Le
comte de Monte-Cristo » d’Alexandre Dumas (roman publié
entre 1844 et 1846), l’extrait proposé se déroule au château d’If :
Une
découverte musicale de très haute importance que celle d’Isïa Marie, auteure-compositrice-productrice-interprète qu’il me
tarde de voir en concert dès le confinement terminé.
Premier titre
écouté suite à la réception du courriel de cette artiste parisienne de 26 ans : « C’est pas toi c’est moi »
où il est question d’une femme brisée, gisant au sol, victime des violences de
celui qu’elle aime jusqu’à y perdre son âme, son identité, sa vie même. La
dureté des paroles tranche avec la douceur de la voix, de la mélodie, du style
R’n’B.
Exploration
de l’univers musical d’Isïa Marie : l’extrait d’un
concert en trio à la Boule Noire avec une reprise de Bronski Beat (Smalltown
Boy) encore plus pêchue et dansante que l’original, le clip gothique électro
rap « Possédée » filmé à l’intérieur d’une abbaye (laquelle ?),
les chansons concept « Avec la langue » (adaptation en français de
chansons anglophones jouées à la guitare), les reprises d’artistes nationaux
comme Mylène Farmer (Sans contrefaçon) ou Julien Doré (Coco Confine, parodie de
Coco Câline) et surtout ses compos originales mixant les genres musicaux avec une
voix extraordinaire et une aisance époustouflante.
Bref, vous l’aurez
compris, voilà une belle personne, généreuse et talentueuse ; cela faisait
longtemps que je n’avais pas eu un tel choc en écoutant une « nouveauté ».
Au menu de ce
post : la chanson « C’est
pas toi c’est moi », l’interview d’Isïa Marie au sujet des violences
conjugales « plus que jamais d’actualité pendant ce confinement », le
Facebook et la chaîne YouTube de la demoiselle pour vous abonner et écouter
toutes ses merveilles dans l’ordre qui vous plaira.