dimanche 19 avril 2020

Contrebandière



Bruits secs et sourds, crépitements. Sons élastiques, rebondissants. Les coups redoublent, montent en puissance. Violence immense, colère lâchée, vieilles souffrances.

Clappements, clapotis, clapotements. Pluie rageuse, lourdes gouttes tombant en rangs serrés, senteurs de terre. Longues minutes tambourinées : des trombes, des seaux, des cordes !

Voilà que ça se calme, ça va decrescendo, puis ça s’arrête. Les arbres se secouent, la terre étanche sa soif. Absorption, écoulements, glissements, goutte-à-goutte.

Allongée sur le dos, les yeux fermés, je me rassemble, reprends conscience. J’ouvre les yeux : dôme d’une grotte aux parois arrondies. Ventre maternel, placentaire, matriciel. Béatitude, douce euphorie.

Il fait bon, sous la tente. Je m'y sens bien. Étanche et rassurante, chaleur diffuse dans le duvet. Son souffle régulier se mêle au mien. Ancré dans le sommeil, il m’enlace. Il m’appartient, je suis à lui.

Depuis la nuit des temps je l’aime. Sentiment étrange, ancestral, primitif. Rester comme ça entre deux eaux, laisser divaguer mes pensées, sa main bien chaude sur ma peau nue.

Il bouge, il gémit, se retourne. Sa main me quitte, il se replie, se met en boule. Je change de position, me lovant contre lui. Poitrine collée à son dos, je l’entoure de mes bras.

Je laisse aller ma tête contre la sienne. Je le respire tout entier, je l’appréhende dans ses moindres détails. J’écoute son corps vibrer. Affinités, intimité, sérénité.

Chaque journée commencée en sa compagnie me remplit d’aise. Je suis fière, nous sommes ensemble. C’est l’été, les vacances, pas de contraintes, itinérance…

Là, maintenant : je prends, je glane, je passe en fraude, je louvoie, je maraude.

Langueur, lascivité, paresse. Lueurs de l’aube, jour nouveau, seuls au monde.

Il s’étire, se détend. Il se tourne vers moi, ouvre les yeux, les referme. Il les rouvre, me sourit, approche ses lèvres des miennes, il m’embrasse. Illumination, foudroiement, éclairs.

Un flot de désir me submerge et m’entraîne loin du large, vers des terres inconnues, en friches.

Temps houleux, vent violent, je perds pied, je suffoque.

Je me laisse assaillir, envahir, engloutir, posséder.

Plus rien d’autre ne compte.