dimanche 26 avril 2020

London Calling


Printemps 1980
J’ai seize ans et je découvre les soirées du Tigre. J'apprends le nom de tous ces groupes anglais sur lesquels on danse en balançant les bras et les jambes, d'avant en arrière, de façon saccadée. Madness, The Selecter, The Specials, Elvis Costello, Moon Martin… The Clash et son hymne énergique : « London Calling ».

La face B du 45 tours, « Armagideon Time », passe souvent sur le juke-box du Pub où je me rends après le lycée. Je l’achète pour pouvoir l'écouter tout à loisir chez moi. Puis je découvre avec délectation le double album « London Calling » chez des copains.

La pochette est extraordinairement attractive pour l'œil avec ses lettres capitales en rose et vert et sa photo de concert en noir et blanc. La musique est festive, joyeuse, dansante. On me fait écouter les albums précédents, mais je n'aime pas autant.

Été 1980
Je pars en Angleterre avec des copines, la cassette de « London Calling » et un petit magnétophone à piles dans mes bagages. À Londres, j'achète « I'm the Man » de Joe Jackson, l'album de Lene Lovitch pour le titre « Bird Song » et un 45 tours des Clash : « Bankrobber ».

Je m'habille en noir, rouge et blanc. Je porte aussi le vieil imperméable gris de mon père, dont j'ai raccourci les manches. J'ai coupé mes cheveux et je les hérisse avec du gel.

Décembre 2002
J'apprends la mort de Joe Strummer. J'aimais qui il était, ce qu'il faisait avec son groupe The Mescaleros. J'avais raté leur concert parisien, dommage. Cinquante ans. En 1980, cela m'aurait paru vieux. Maintenant, je trouve que pour mourir, c'est bien trop jeune.

Décembre 2003
Sur une impulsion, je pars en quête de l'album orange vif « Streetcore » dans les rayons de l'Espace Culturel de chez Leclerc. Dans ma voiture, titre après titre, des frissons me parcourent.

Il y a l'émotion d'un disque posthume, mais tellement plus aussi, dans cette voix rocailleuse, généreuse, revendicatrice. Tous ces petits joyaux musicaux acoustiques ou électriques viennent égayer la grisaille ambiante.

Du coup, chez moi, je réécoute « London Calling ». Pas loin de vingt-cinq ans après, la musique des Clash me paraît toujours aussi inventive et jubilatoire. Je fais le lien. Entre les années. Pour me réconcilier avec le temps qui passe et qui efface des vies.