Lundi 18 mai,
en route pour l’inconnu, mon portable comme d’hab’ à portée de main sur le
siège passager. La secrétaire de l’inspection m’appelle généralement entre huit
heures et huit heures quinze, mais là j’ai le temps d’arriver à mon école de
rattachement, il presque huit heures et demie.
Le directeur
est à la grille pour accueillir les élèves. Sous le préau, ceux qui sont déjà
là patientent bien droits et silencieux, leurs pieds sur une ligne blanche
tracée au sol respectant la distance imposée, en attendant de passer aux toilettes.
Ils sont une quinzaine, il y a deux groupes, chaque enseignante est face à sa colonne,
le visage masqué.
Je dis
bonjour à mes collègues et aux enfants, je me nettoie les mains avec la
solution hydroalcoolique se trouvant dans la poche de mon blouson tout en me
dirigeant vers le bureau du directeur pour prendre un masque et le placer correctement
sur mon visage afin d’éviter la buée sur les lunettes. La collègue du RASED est
là aussi, ainsi que l’infirmière, je suis contente de les revoir pour de vrai !
Après le
passage aux toilettes et le lavage des mains réglementaire, le tout mené sur
une cadence assez militaire, les enfants se replacent au fur et à mesure sur
leur ligne blanche. Puis, sur l’injonction de leur maîtresse, ils montent en classe en file
indienne bien éloignés les uns des autres, on entendrait une mouche voler. Y’a
d’la joie, bonjour bonjour les hirondelles…
Dans mon
esprit, je ne suis ici que temporairement, l’inspection va m’appeler d’un
instant à l’autre ! Je me pose dans le hall d’accueil bien aéré par les
deux portes ouvertes, je m’assois sur la chaise à accoudoirs et m’installe au
bureau, je garde mon blouson mais je retire mon masque pour me servir une tasse
du café de ma thermos, mon téléphone devant moi.
Sur le mur d’en
face, la grosse horloge indique huit heures moins le quart. Mais oui bien sûr,
entre-temps nous sommes passés à l’heure d’été ! J’approche une chaise, je
monte dessus, je me saisis de l’objet pour avancer ses aiguilles, puis je le
remets en place. Voilà une bonne chose de faite !
Je parle avec
le directeur, la porte de son bureau donne sur le hall, donc on se voit de là
où je suis assise. Il est sur son ordi puis au téléphone, alors je le laisse
tranquille, je sors mon agenda.
À neuf heures
quinze, je téléphone chez le vétérinaire et je prends rendez-vous pour Grigri, le
dernier arrivé à la maison suite au décès de Monique, sa maîtresse. Après l’avoir
fait tester (leucose féline) et vacciner, la prochaine étape est le tatouage et
le détartrage de ses petites quenottes, sous anesthésie. Mercredi 24 juin à
neuf heures : « Il sera bien à jeun depuis la veille au soir, vous n’entrez
pas à l’intérieur du cabinet, on viendra chercher l’animal. »
À neuf heures
trente, j’appelle l’inspection, dès fois que l’on m’ait oubliée ? La
secrétaire me demande un instant, elle me rappelle au plus vite, ce qu’elle
fait un quart d’heure après : « Vous restez sur votre école de
rattachement jusqu’à nouvel ordre. » Bon ben voilà, au moins c’est clair,
net et précis. Je m’enquiers auprès du directeur s’il a des choses à me faire
faire, il me dit que non, alors je me réinstalle à mon bureau et me plonge dans
la lecture de « Cheval de guerre ».
Je viens en
renfort auprès des collègues dans la cour de récréation partagée en deux pour
éviter le brassage des troupes groupes. Chaque enfant dispose, à l’intérieur
d’un cerceau, d’une barquette étiquetée à son prénom avec des jeux dedans :
échasses, corde à sauter, toupie, grenouille sauteuse, flacon à bulles… Ah ça
les bulles c’est amusant, ils soufflent à qui mieux-mieux, et volent volent,
les sphères légères, multicolores, dans le ciel bleu azur !
L’après-midi,
j’installerai, avec les moyens du bord, deux parcours sportifs distincts, bien
séparés, balisés avec des flèches et des lignes tracées à la craie, l’un pour
les « grands » de CM2, l’autre pour le double niveau CP/CE2. Ils
courent, ils sautent dedans et par-dessus, ils marchent dessus, ils s’équilibrent,
ils bondissent, ils s’ébrouent, ils rigolent… « Attention, ne touchez pas
au matériel, il n’y a que moi qui peux le faire ! »
Mardi 19 mai,
pas de coup de fil de l’inspection et le directeur compte sur moi pour
effectuer une saisie informatique des élèves passant en 6e en
septembre 2020. Ce dont je m’acquitte au cours de la matinée, à mon bureau dans
le hall d’accueil, sur un vieil ordinateur portable pas très réactif.
Je monte
aussi en salle informatique, au deuxième étage, pour effectuer les impressions
des fiches de travail données par les enseignant-e-s en distanciel, pour la semaine du 25 au 29 mai. Ces fiches sont
destinées aux élèves assistant aux cours en
présentiel, et aux familles qui gardent leurs enfants chez eux, qui n’ont
pas d’imprimante à la maison et qui par conséquent viendront récupérer les
documents à l’école.
L’après-midi,
je n’ai le temps que d’installer un seul parcours, côté petits. J’ai apporté
mon ordinateur portable et mon haut-parleur en blue tooth, j’installe mon
matériel sous le préau et programme l’une de mes compils réalisée pendant le
confinement, à dominante reggae, ragga et ryhm’n’blues.
Le grand
dadais Aboubacar danse sur « Les cornichons » de Nino Ferrer, le
petit Souleymane poursuit son apprentissage du maniement des échasses, Sofiane
saute à la corde, Luqman me demande de rehausser le filet fixé entre les deux
plots pour sauter encore plus haut, Omar fait des bulles, Hawa s’applique à
franchir les obstacles, il fait beau, il fait chaud, la cour est pleine de
soleil et du rire des enfants.
Épilogue :
Le soir, à la maison, je sors mon téléphone de mon sac et je m’aperçois que l’inspection
m’a laissé un message à précisément 12 heures 41. La secrétaire m’informait que
l’inspecteur me donnait mon après-midi,
je pouvais repartir chez moi, elle me souhaitait un bon et long week-end. Même
si j’avais eu ce message en temps voulu, je serais restée à l’école. Le
directeur comptait sur moi pour le seconder dans son travail, nous n’étions pas
trop de deux pour l’effectuer.