dimanche 29 mars 2020

La photo

Vous posez tous les trois sur la photo. Parfaitement immobiles, vos yeux tournés vers l’objectif qui vous a immortalisés. Un instant rare, précieux, privilégié. Derrière vous, la maison.

Votre maison, celle où vous avez vécu en paix au cours de toutes ces belles années… On voit le bas de la porte et ses volets en bois, le perron gris, le crépi blanc de la façade. Au premier plan, les herbes folles de la pelouse.

Elle se tient droite sur la terrasse. Rayonnant de grâce, irradiant de beauté. C’est elle la plus âgée ! Son regard est empreint de douceur et de sérénité. Elle est fière et altière, les yeux mi-clos, la mine confiante, pleine de malice.

La plus jeune est assise sagement sur la première marche. Pour une fois qu’elle se tient tranquille ! Elle est tellement mignonne, gentille et délicate… Elle exprime tout l’amour du monde, avec candeur et insouciance.

Toi, tu te trouves à l’autre bout du petit escalier. Tu sembles inquiet, nerveux, sur la défensive, comme à ton habitude. Tu lances des éclairs noirs, la colère n’est pas loin ! Tu fais tout de même un effort pour paraître agréable.

J’ai retrouvé la photo quand la plus jeune est morte, fauchée bêtement par une voiture, un jour pas fait comme un autre. Je l’ai faite encadrer quand la plus âgée, malade, devenue maigre et fragile, a rendu son dernier souffle.

Elle est accrochée là, devant moi, bien visible, sur le mur du salon. Toi, tu résistes au temps qui passe. Ombrageux, ténébreux, toujours fuyant, rarement confiant, malgré toute l’affection que je te porte.

Tu es le dernier des trois, le seul qu’il me reste, le prochain sur la liste.

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